Face à la difficile scolarisation des filles béninoises, faut-il courber l’échine ou résister ?

Article : Face à la difficile scolarisation des filles béninoises, faut-il courber l’échine ou résister ?
Crédit: Marietta de SOUZA photographiée par Famouz
7 juin 2023

Face à la difficile scolarisation des filles béninoises, faut-il courber l’échine ou résister ?

Au Bénin, ex-Dahomey, quartier latin de l’Afrique avec une intelligentsia remarquable, envoyer une fille à l’école était synonyme de jeter de l’argent par la fenêtre. Analphabètes et illettrés, certains parents ne considéraient leurs enfants filles que comme bonnes à aller au champ, à aller dans les marchés ou à faire la cuisine et le ménage. Voilà ce à quoi était réduite, recluse, la jeune fille béninoise. À peine faisait-elle ses premiers pas qu’il lui était interdit d’avoir des rêves et de les nourrir. Avoir des étoiles dans les yeux était un luxe qu’elle ne pouvait se permettre. Avant même de naître, elle était condamnée.

Le droit des filles à l’éducation, un droit de plus en plus reconnu

Heureusement qu’en 2023, elle est autorisée à quitter la prison de la non-instruction et à goûter à la liberté. Oui, la liberté de devenir avocate, banquière, pilote, physicienne, styliste, coiffeuse… Soutenue par une forte volonté politique, la fille béninoise a aujourd’hui la liberté de choisir son conjoint, la liberté de décider d’être mère ou pas. Je ferai preuve de mauvaise foi en déniant ces avancées de la situation des filles dans mon pays.

J’aurais voulu peindre l’entièreté du tableau ci-dessus en rose, mais je me dois de lever le voile sur les zones d’ombres qui le pâlissent et l’assombrissent. Le constat est que si des milliers de filles réussissent à décrocher le précieux sésame qui leur ouvre les portes des collèges et lycées du Bénin, très peu parmi elles arrivent au bout de leurs études secondaires. Et quand bien même, elles auront réussi à obtenir leur premier diplôme universitaire, combien d’entre elles fouleront le fameux sanctuaire du savoir pour réaliser leur projet professionnel ?

Les barrières au maintien des filles dans le système éducatif

« Tu n’y arriveras jamais !« , « Ce métier n’est pas fait pour une femme !« , « Comment feras-tu quand tu seras mariée ?« , « Il est temps d’avoir des enfants !« … Ces phrases provenant de l’entourage proche ou lointain des jeunes filles béninoises ont tellement retenti dans leurs tympans qu’elles préfèrent mettre fin à leur parcours académique si prometteur.

Ma propre expérience en est une preuve, à la différence que j’ai pu bénéficier du soutien de mon père ainsi que de l’accompagnement des pouvoirs publics et de différentes institutions spécialisées.

Deux filles en train d’étudier. © Iwaria

Pétillante, rêveuse et ambitieuse, après l’obtention de mon baccalauréat avec la mention bien, j’annonce à ma mère que je désire faire carrière dans la diplomatie, devenir ambassadrice. Convaincue que le métier de magistrat était ce qu’il y avait de mieux pour moi, maman ne manqua pas de me faire comprendre que je suis une jeune femme, et donc une future mère et une future épouse. Je me devais alors de me rappeler ce que la société attend de moi, de ce qu’elle, ma mère, attend de moi. Pour elle, je ne réussirai jamais à construire un foyer en faisant ce choix de carrière.

J’avoue que ses remarques m’ont ébranlée, mais pas suffisamment pour que je prenne les jambes à mon cou et que je renonce à devenir ambassadrice. J’avais confiance en moi et en mes capacités. Elle le savait et a très rapidement jeté l’éponge. Contrairement à moi, des millions de jeunes femmes se voient emprisonnées dans des moules sociétaux qui finissent par avoir raison d’elles. Que fait-on pour leur éviter de céder et les encourager à rester résilientes ? Quelles actions menons-nous pour empêcher qu’elles se résignent ?

L’importance pour les filles d’avoir des repères

À l’occasion de la célébration de la journée internationale des droits de la femme en 2022, le Ministère de la Famille et des Affaires Sociales du Bénin en partenariat avec UNICEF BÉNIN et l’UNFP a mis en place un programme de mentorat pour les jeunes filles béninoises. L’objectif était de contribuer à notre développement personnel et professionnel tout en nous offrant l’opportunité de nous faire coacher par d’éminentes personnalités féminines de la société.

Qu’elles soient d’ici ou d’ailleurs, les jeunes filles ont indubitablement besoin de repères, de modèles, d’exemples. À travers eux, elles pourront se rendre compte qu’aucun de leurs rêves n’est inatteignable si elles se donnent véritablement les moyens de les atteindre.

Après six mois de mentorat, j’ai été encore plus confortée dans mon choix de carrière et j’ai appris à m’affirmer et à avoir confiance en moi. J’encourage à multiplier ce type d’actions, car elles peuvent réellement changer le destin d’une femme. J’en suis la preuve. J’appelle également les pouvoirs publics à davantage mettre l’accent sur l’importance de la poursuite d’études supérieures chez les filles au Bénin afin de les maintenir le plus longtemps possible dans le système éducatif. Pour y parvenir, j’invite à offrir plus de bourses d’études d’enseignement supérieur aux filles et à leur faciliter l’accès aux outils numériques.

Parce que je suis persuadée que mes seules limites sont celles que je me fixe, je refuse de courber l’échine face aux diktats sociétaux. Je rejette ce conformisme auquel on veut me contraindre. Je reste résiliente !

Partagez

Commentaires